29 mai 2012

Manuel du bon pique-assiette


Être un bon pique-assiette ne s’improvise pas. Ingurgiter à s’en péter la panse, boire à s’en saccager le foie, tout ça gratuitement, et très certainement en étant rentrée de manière illégitime à la réception, inauguration, célébration, cérémonie ou au vernissage qui vous servira de flunch pour un soir est un art, et peut même devenir une passion. Après quelques expériences, parfois mythiques, voici quelques conseils qui pourraient s’avérer très précieux au moment de mettre à sac les buffets qui s’offrent à vous.

Objectif : pas besoin de tortiller du cul il est très clair, c’est manger et boire le plus possible, mais sans se faire griller et c’est là que tout se complique, mais aussi que tout devient beau.

Préalables :
  • Se faire inviter : en se retrouvant sur des listings improbables (vous ne savez pas bien comment et pourquoi), grâce à des amis d’amis d’amis de collègues, en volant une invitation dans un bureau, ou encore mieux au panache, en entrant à l’incruste : vous avez vu de la lumière et vous vous êtes invités. Ayez bonne conscience, la moitié des personnes ici, et cela même si elles ont reçu un carton d’invitation, sont tout aussi illégitimes que vous.
  • Répondre à l’invitation : vous serez sur le listing à l’entrée, donc attendus, et si vous avez répondu, les organisateurs croiront, oh les naïfs !, que vous avez une bonne raison d’être là.  
  • Ne pas avoir trop mangé dans la journée, mais ne pas venir complètement le ventre vide, ça serait source de précipitation.
En arrivant :
  • Donner son nom et son contact, cela permettra de vous faire inviter à d’autres réceptions, surtout que les boîtes s’échangent ses listings pour faire venir du monde à leurs petites sauteries.
  • Bien repérer les lieux : il est nécessaire d’ avoir en tête la géographie des lieux, votre stratégie en dépend. S’agit-il d’une grande table avec une répétition de mets identiques (la meilleure technique consiste alors à longer le buffet, du début jusqu’à la fin, de faire un détour au bar, et de recommencer), s’agit-il de petits ilots (stands genre fête forraine) spécialisés, un pour le chaud, un pour les sushis, un pour le foie gras (facile alors de ne pas se faire repérer, mais perte de temps assuré dans les déplacements, donc on ne néglige rien et on prend une double ration à chaque ilot : une première engloutie rapidement, la deuxième savourée dans la queue du prochain îlot)…
  • Bien estimer le ratio nombre d’invités sur taille du buffet : si vous pensez qu’il y aura beaucoup trop par rapport au nombre de personnes présentes, soulagement, la soirée s’annonce belle ; dans le cas inverse, pour finir la soirée quand même à moitié malade pendant que les autres crèveront la dalle, une seule solution, repérez tout de suite la sortie des cuisines, vous y passerez votre soirée à agresser les serveurs dès qu’ils auront passé la porte.
Les bonnes pratiques :
  •  La relation aux serveurs : décomposez votre soirée en deux temps. D’abord, diversifiez les interlocuteurs, si vous retournez trop rapidement voir un serveur, vous êtes grillés. En revanche, dans un deuxième temps, fort de ce premier repérage, choisissez votre favori, à la fois sympa et pas dupe, et allez le voir un ravitaillement sur deux, il vous permettra d’atteindre votre objectif initial (se pêter le bide), ne rechignera pas à remplir votre 12e coupe de champagne, et pourrait même percer la foule pour vous apporter les derniers plateaux de mignardises que l’ensemble de l’assistance s’arrache pour éponger son litre de Veuve Cliquot ou de Ruinart selon le standing.
  •  Ne pas abusez trop rapidement du champagne : c’est l’erreur du débutant. Alors oui c’est bon mais se précipiter, c’est être mal trop vite. Pour bien boire, il faut savoir bien manger et réciproquement. Du champagne il en restera et au pire le vin sera toujours meilleur que le vulgaire Côte de Bergerac qui accompagne les tomates cerise de tes habituelles soirées.
  •  Avoir une bonne excuse pour justifier votre présence : vous n’êtes jamais à l’abri d’un hôte zélé qui viendra vous saluer, vous obligera à vous présenter, et donc à expliquer la raison de votre goinfrerie manifeste. Toute bidon soit-elle, cette excuse doit vous permettre de ne pas être mal à l’aise, ça vous couperait l’appétit, un comble quand on connaît la raison de votre présence ici. Ne dîtes par exemple jamais que vous êtes stagiaire dans la boîte ou vous avez choppé l’invitation, au pire vous êtes membre de l’équipe communication et partenariat, ou vous développez du contenu pour un nouveau site internet qui cible les 25-35 ans (oui, toujours dire qu’on fait des métiers de droite, ou au moins qui laissent à penser que vous avez fait une école de commerce).
  • Ne jamais repartir sans une dernière coupe : c’est le conseil majeur à ne pas négliger. Et même si vous savez déjà que c’est celle de trop. Trop vaudra toujours mieux que pas assez et du goût d’inachevé qui l’accompagne.

Les choses à éviter :
  • Tâcher trop tôt sa chemise, avoir un bout de foie gras collé dans la moustache ou une queue de gambas sortant encore de la bouche. Non ! Toujours garder un certain standing : ne pas se faire repérer, on a dit !
  • Se resservir toujours au même endroit, l’évidence
  • Regardez le buffet comme si c’était votre premier repas depuis quarante jours. Privilégiez un air détaché, genre « je vais prendre cette émulsion d’huître au caviar, comme une vulgaire chips, les buffets, et les réceptions c’est mon quotidien, et de toute façon, j’ai une table réservée à la Tour d’argent après, donc c’est vraiment qu’une petite mise en bouche pour moi. »

Petite retraite
Votre pire ennemi : les vieux, les voilà les véritables pique-assiette. Ils le savent, tout le monde le sait, mais eux n’en ont rien à foutre, et n’ont donc pas à assumer votre contrainte supplémentaire : être discret. On les voit dans les cocktails depuis 20 ans et les organisateurs n’oseront rien leur dire, personne ne connaît réellement la raison de leur présence mais comme ils sont toujours là, ils doivent être importants, alors autant les ménager. Alors, ça ne les dérange pas de rester planter devant le buffet, devant le bar, ou à la sortie des cuisines. Avec eux pas de pitié, sachez donner des coups, leur manger dans le bec, et n’hésitez pas le regard franc et désapprobateur à leur égard. 


Le retour : pour regagner vos pénates, plusieurs solutions :
  •  le taxi, mais c’est vraiment pour les bourgeois, ça sert pas à grand-chose d’être venu bouffer gratos si c’est pour filer tout le fric ensuite au taxi,
  • le métro, ça passe toujours mais venu une certaine heure, les changements deviennent galère
  •  le bus, la solution idéale si vous avez la chance d’avoir une ligne qui fait buffet-domicile, mais c’est aussi une très mauvaise idée parce que le soir, les mecs roulent comme des malades, même sur les pavés ; toi tu as trop mangé et trop bu et le risque est alors de tout rendre, dommage ! Une expérience testée pour vous
  • le vélo ou la marche sont le TOP, les calories sont brulées, l’alcool dans le sang réduit, et l’air frais facilitera la digestion, de quoi mieux apprécier la portée de votre performance.

Petite liste des mets qui font qu’un buffet a de grande chance de déchirer sa race, votre soirée ne sera pas perdu :
  • un gargantuesque plateau de fromage
  • des huîtres (ouvertes devant vous)
  • du champagne Ruinart blanc de blanc
  • un maître sushi
  • un véritable bar qui vous permettra de sortir du tryptique champagne/rouge/blanc : vous voulez un mojito royal fraise, il suffit de demander, un smoothie basilic-mangue, il est pour vous, ou simplement un Chivas, c’est bien sûr possible monsieur
  • un petit édicule avec du chaud préparé devant vous sur une plancha, avec au choix coquilles saint jacques, veau au lait de coco, bœuf mariné, tout ça accompagné de légumes de saison rôtis
  • une corbeille de fruits exotiques, genre fruit du dragon

Si vous voyez ça à une réception, fuyez :
  • Chips et cacahuètes, on n’est pas à une réunion de section PS
  • Gobelet en plastique, et assiette en carton, même aux fêtes que t’organises chez toi, ce fléau a été éradiqué
  • Les macarons salés, c’est très généralement une grosse arnaque
  • De la mousse de foie de canard, beurk, blurp, et re-blurp
  • Un assortiment de mauvaise charcuterie dessinant un animal : le mauvais goût n’a donc plus de limite

1 commentaire:

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