Je viens à confesse, je me suis engagé dans une nouvelle quête depuis quelques mois : trouver le meilleur flan pâtissier. J'ai pris conscience de la gravité de cette obsession après avoir acheté une part de flan chez Picard (congelé donc, et que je dois mettre cinq heures dans mon frigo avant de pouvoir le déguster, beurk). J'ai redouté longtemps cette dégustation car réussir un flan est un réel défi. C'est une pâtisserie, une gourmandise, un plaisir très simple mais tellement exigeant, pour réussir la pâte et le flan à proprement parler.
Mais un flan vous dit tout sur une boulangerie. Si une bonne baguette n'est pas forcément synonyme d'un bon flan, un flan réussi est forcément révélateur d'un savoir-faire hors-pair, d'une technique maîtrisée : la baguette sera bonne, le croissant aussi. Ainsi, c'est par le prisme du flan que je recherche les meilleures boulangeries, et je sais que certains mènent la même quête par l'intermédiaire de l'éclair, où les mêmes qualités sont à mobiliser pour réussir le biscuit, la crème, et bien sûr le glaçage.
Comment donc savoir si vous êtes en train de déguster un bon flan ?
1 - la texture : il faut que le flan se tienne bien, que vous puissiez un peu faire trembloter votre part de flan sans risquer l'accident bête, le flan renversé. Bon il faut pas non plus pouvoir jouer au ping-pong avec - d'ailleurs si le flan se tient un peu trop, ce n'est pas un signe de fraîcheur, s'il s'écrase c'est qu'il a été loupé. Une chose qui doit vous faire fuir : une sorte de glaçage-gelée sur le flan, quelle horrible idée.
2 - le petit goût vanillé : il y a de la vanille dans la recette du flan, malheureusement il y en a qui joue les radins sur la vanille, aussi recrachez votre morceau de flan quand celui-ci a un goût d'oeuf ou de lait trop prononcé. En revanche si vous passez devant une boulangerie et que vous voyez des petits grains noirs dans le flan : c'est le signe évident d'un bon flan. Vous allez rencontrer un boulanger qui a soigné son travail, qui respecte ses clients et lui offre de la gousse de vanille (si c'est la top-classe, c'est de la vanille de Madagascar, mais bon vous allez quand même pas faire les snobs), ou au moins de la vanille en poudre, donc il faut y aller, on n'hésite pas, on achète sa part de flan, on déguste et on pense à moi.
3 - la pâte : bien sûr, ce n'est pas l'essentiel dans un flan, mais en fait si, car nombre de boulangers ne savent pas prendre de décisions. Faut-il faire une pâte feuilletée ou une pâte brisée ? Peu importe mais il faut faire un choix afin que le tout forme une belle harmonie. Et surtout il ne faut jamais au grand jamais que le goût de la pâte l'emporte sur le goût du flan. C'est une tragédie (à ce sujet, ne prenez jamais de flan chez Paul, c'est criminel leur recette). Par contre il ne faudrait pas non plus choisir la solution de simplicité : ne pas mettre de pâte - juste le flan, autant faire une crème aux oeufs. A l'angle du boulevard de Clichy et de la Rue des Moines, un boulanger a fait ce choix : moi j'ai fait le mien, je ne retournerai plus dans cette boulangerie.
Mais surtout, un flan doit vous raconter une histoire. En mangeant votre part, vous devez saisir ce qu'a voulu vous transmettre son concepteur. Un flan est réussi quand en le préparant, l'artisan vous a imaginé en train de le manger, soit à 17 heures, pour le goûter, avalé sur le trottoir (vous mourrez de faim) ou chez vous avec un café, soit après votre sandwich dans la formule avec boisson.
L'autre jour, j'ai dégusté chez mes grands-parents une délicieuse tarte aux fraises, le gâteau, la crème pâtissière, le choix des fraises, tout était parfait vraiment. Et si c'était une réussite, j'ai la conviction que c'est parce que le pâtissier nous racontait une histoire, en préparant sa tarte, il nous imaginait : des grands-parents et leurs petits enfants qui ne déjeunent pas assez ensemble et qui allaient pouvoir profiter de ce moment grâce à cette belle tarte, au moins en partie. Cette boulangerie va fermer, je n'arrive pas à imaginer que c'est parce qu'ils rencontrent des difficultés financières, pas quand on est aussi doué, et j'ose penser que c'est parce qu'il n'a plus d'histoires à raconter, à mettre dans ses gâteaux, dans ses baguettes, alors c'est vrai, autant arrêter.
La tarte au fraise, un bon restaurant, et une part de flan réussie, c'est d'abord une histoire qu'on vous raconte. Et dans la situation inverse, si à la première bouchée, vous imaginez le pâtissier, le chef, votre hôte préparer le mets que vous êtes en train de déguster, alors ce plat est une réussite, et la cuisine devient de la poésie, sinon ce n'est que de la bouffe.
Pour terminer quand même : ma meilleure adresse pour un flan pâtissier, c'est celui de la pâtisserie Meert, rue Esquermoise à Lille, la pâtisserie préférée de de Gaulle, qui se faisait livré une fois par semaine à l'Elysée un paquet de leurs gaufres à la vanille. C'est 2,70€ la part, mais l'histoire qui vous est conté les vaut bien largement.
Et puis essayez la boulangerie de la place d'armes à Poitiers, parce que c'est là que j'y ait découvert le flan et que je ne mange pas une seule part de flan sans me rappeler cette boulangerie et son flan : encore une belle histoire !