27 févr. 2012

Le meeting de la France forte à Lille


« C'est beau un peuple »1


Lille, Grand Palais – 18h30 ce jeudi 23 février 2012. Nicolas Sarkozy est en campagne et vient conter sa litanie habituelle sur la valeur travail. Une belle occasion de découvrir en live l'exaspérant président en insupportable candidat.

Première bonne nouvelle : le candidat a choisi de venir à Lille en train. En janvier, pour ses voeux aux fonctionnaires à la préfecture de Lille, le président avait choisi l'avion, soit très certainement un trajet bien plus long2, et un bilan carbone bien plus lourd. Bon, je passe sur les retards en gare de Lille Flandres, provoqués tout l'après-midi par l'utilisation du service public par le président.

Seconde bonne nouvelle : il n'y aura pas de seconde bonne nouvelle, mes repères, mes préjugés et mes clichés sur les militants UMP n'ont en rien été ébranlés.

Entrons donc ensemble dans ce merveilleux monde des citoyens de droite en uniforme. En uniforme ? Je ne parle pas des jeunes avec le tee-shirt « les jeunes avec Sarkozy », que je n'ai pas réussi à me procurer (et pourtant j'avais fait un effort de camouflage : j'étais passé chez le coiffeur, j'avais bien coiffé ma mèche, mis un pantalon de costume et une chemise bien repassée). L'uniforme : des chaussures bien cirées, un jean Hugo Boss, une chemise à bouton de manchette et des cheveux bien peignés, de longues mèches bien coiffées. Sachez-le, les gens de droite ont de beaux cheveux, ils sont plus grands, plus beaux même, et ils sentent bon. Une salle surchauffée, des gens en sueur et pourtant une odeur fraîche, incroyable pour un novice au sein de la sphère UMP. Mais plus frappant encore dans cette salle remplie de milliers de militants, l'absence de mixité sociale et ethnique.

Sur le terrain des idées en revanche, rien de frais. Etrange embarras, drôle de sentiment que de voir ces milliers de gens (des jeunes et des vieux, mais justement pas la France du travail) acclamer, applaudir, crier jusqu'à extinction de voix, la proposition de faire travailler 7 heures par semaine les personnes aux RSA qui privilégieraient l'assistanat au travail – pour combien en fait ? 475 euros par mois pour une personne seule. Et la droite veut faire croire qu'il s'agit d'un choix.

En elle-même, la proposition est impossible à mettre en place pour 1,5 million de personnes. Les bénéficiaires du RSA ont besoin d'une formation quotidienne, d'un suivi important, d'une activité formatrice qui permettent d'aboutir à un emploi. Pas de sept heures de travaux de type surveillance des sorties d'école. De plus, les activités envisagées sont aujourd'hui réservées à des personnes en contrats aidés aux horaires de travail moins réduits. Et les acteurs de l'insertion manquent de ce type d'heures de travail – alors comment trouver plus de dix millions de nouvelles heures ? De plus, ce dispositif lourd nécessiterait d'importants moyens humains pour encadrer ces bénéficiaires : c'est-à-dire des agents des départements en charge de l'insertion professionnelle (mais ne doivent-ils pas réduire le nombre de leurs fonctionnaires, ne faut-il pas réduire le nombre d'agents publics ?).
Sur la forme, je serai suffisamment de bonne foi pour saluer l'idée de ne pas faire de pancartes Sarkozy, mais seulement de distribuer des drapeaux français, agités à chaque invectives contre François Hollande. L'effet est intéressant. L'image est celle du rassembleur. Je salue aussi les projecteurs bleu, blanc, rouge tournés vers le plafond de la salle, ainsi revêtu d'une lumière nationale et républicaine. Puis je m'étonne : où est la retenue, la mesure dans les moyens consacrés à la campagne ? Le contexte budgétaire ne plaide-t-il pas pour cette retenue ?

Ensuite je m'agace. Je l'ai dit : les idées étaient pauvres (il n'y avait bien que cela de pauvre dans la salle). Beaucoup de veilles rengaines. Pas de souffle nouveau, pas d'inspiration nouvelle ou de discours porteur.

Je m'agace surtout du spectacle des passages obligés et intangibles du discours politique :
  • Des expressions purement rhétoriques avec haussement de la voix sur la fin pour provoquer les applaudissements : « Ne pas vouloir une France forte, c'est favoriser une France faible ». Merci.
  • Des promesses faites en 2007, répétées en 2012 sans le moindre doute sur une éventuelle perte de crédibilité (par exemple interdire les retraites chapeaux et parachutes dorées).
  • Des attaques sur Hollande tout en disant qu'on ne s'abaissera pas à des attaques personnelles. Et l'auditoire feint d'être convaincu.
Enfin, je suis étonné par le conservatisme de la mise en scène (que reprend exactement Hollande – remarquez donc le sens de l'équilibre dans cet article). L'homme seul, sur une immense scène, s'agitant derrière un pupitre. C'est l'image de l'homme providentiel face au peuple. Où est l'ouverture, la participation, la modestie ?
Et je regrette le discours de Ségolène Royal à Villepinte en 2008 (le fameux discours sur la fraternité) également tout en maîtrise mais tellement novateur sur la forme et le fond.
François-Marie ne se refait donc pas et désire un avenir politique un peu plus frais et innovant.

1phrase entendue au moment de la Marseillaise.
2Elysée-Lille en avion : Palais de l'Elysée - Ecole militaire en voiture / Ecole militaire - Aéroport du Bourget en hélicoptère / Le Bourget - Aéroport de Lille en avion / Aéroport de Lille - Préfecture en voiture.

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