« C'est
beau un peuple »1
Lille, Grand Palais –
18h30 ce jeudi 23 février 2012. Nicolas Sarkozy est en campagne et
vient conter sa litanie habituelle sur la valeur travail. Une belle
occasion de découvrir en live l'exaspérant président en
insupportable candidat.
Première bonne nouvelle
: le candidat a choisi de venir à Lille en train. En janvier, pour
ses voeux aux fonctionnaires à la préfecture de Lille, le président
avait choisi l'avion, soit très certainement un trajet bien plus
long2, et un bilan carbone bien plus lourd. Bon, je passe
sur les retards en gare de Lille Flandres, provoqués tout
l'après-midi par l'utilisation du service public par le président.
Seconde bonne nouvelle :
il n'y aura pas de seconde bonne nouvelle, mes repères, mes préjugés
et mes clichés sur les militants UMP n'ont en rien été ébranlés.
Entrons donc ensemble
dans ce merveilleux monde des citoyens de droite en uniforme. En
uniforme ? Je ne parle pas des jeunes avec le tee-shirt « les
jeunes avec Sarkozy », que je n'ai pas réussi à me procurer
(et pourtant j'avais fait un effort de camouflage : j'étais passé
chez le coiffeur, j'avais bien coiffé ma mèche, mis un pantalon de
costume et une chemise bien repassée). L'uniforme : des chaussures
bien cirées, un jean Hugo Boss, une chemise à bouton de manchette
et des cheveux bien peignés, de longues mèches bien coiffées.
Sachez-le, les gens de droite ont de beaux cheveux, ils sont plus
grands, plus beaux même, et ils sentent bon. Une salle surchauffée,
des gens en sueur et pourtant une odeur fraîche, incroyable pour un
novice au sein de la sphère UMP. Mais plus frappant encore dans
cette salle remplie de milliers de militants, l'absence de mixité
sociale et ethnique.
Sur le terrain des idées
en revanche, rien de frais. Etrange embarras, drôle de sentiment que
de voir ces milliers de gens (des jeunes et des vieux, mais justement
pas la France du travail) acclamer, applaudir, crier jusqu'à
extinction de voix, la proposition de faire travailler 7 heures par
semaine les personnes aux RSA qui privilégieraient l'assistanat au
travail – pour combien en fait ? 475 euros par mois pour une
personne seule. Et la droite veut faire croire qu'il s'agit d'un
choix.
En elle-même, la
proposition est impossible à mettre en place pour 1,5 million de
personnes. Les bénéficiaires du RSA ont besoin d'une formation
quotidienne, d'un suivi important, d'une activité formatrice qui
permettent d'aboutir à un emploi. Pas de sept heures de travaux de
type surveillance des sorties d'école. De plus, les activités
envisagées sont aujourd'hui réservées à des personnes en contrats
aidés aux horaires de travail moins réduits. Et les acteurs de
l'insertion manquent de ce type d'heures de travail – alors comment
trouver plus de dix millions de nouvelles heures ? De plus, ce
dispositif lourd nécessiterait d'importants moyens humains pour
encadrer ces bénéficiaires : c'est-à-dire des agents des
départements en charge de l'insertion professionnelle (mais ne
doivent-ils pas réduire le nombre de leurs fonctionnaires, ne
faut-il pas réduire le nombre d'agents publics ?).
Sur la forme, je serai
suffisamment de bonne foi pour saluer l'idée de ne pas faire de
pancartes Sarkozy, mais seulement de distribuer des drapeaux
français, agités à chaque invectives contre François Hollande.
L'effet est intéressant. L'image est celle du rassembleur. Je salue
aussi les projecteurs bleu, blanc, rouge tournés vers le plafond de
la salle, ainsi revêtu d'une lumière nationale et républicaine.
Puis je m'étonne : où est la retenue, la mesure dans les moyens
consacrés à la campagne ? Le contexte budgétaire ne plaide-t-il
pas pour cette retenue ?
Ensuite je m'agace. Je
l'ai dit : les idées étaient pauvres (il n'y avait bien que cela de
pauvre dans la salle). Beaucoup de veilles rengaines. Pas de souffle
nouveau, pas d'inspiration nouvelle ou de discours porteur.
Je m'agace surtout du
spectacle des passages obligés et intangibles du discours politique
:
- Des expressions purement rhétoriques avec haussement de la voix sur la fin pour provoquer les applaudissements : « Ne pas vouloir une France forte, c'est favoriser une France faible ». Merci.
- Des promesses faites en 2007, répétées en 2012 sans le moindre doute sur une éventuelle perte de crédibilité (par exemple interdire les retraites chapeaux et parachutes dorées).
- Des attaques sur Hollande tout en disant qu'on ne s'abaissera pas à des attaques personnelles. Et l'auditoire feint d'être convaincu.
Enfin, je suis étonné
par le conservatisme de la mise en scène (que reprend exactement
Hollande – remarquez donc le sens de l'équilibre dans cet
article). L'homme seul, sur une immense scène, s'agitant derrière
un pupitre. C'est l'image de l'homme providentiel face au peuple. Où
est l'ouverture, la participation, la modestie ?
Et je regrette le
discours de Ségolène Royal à Villepinte en 2008 (le fameux
discours sur la fraternité) également tout en maîtrise mais
tellement novateur sur la forme et le fond.
François-Marie ne
se refait donc pas et désire un avenir politique un peu plus frais
et innovant.
1phrase entendue au moment de la Marseillaise.
2Elysée-Lille en avion : Palais de l'Elysée - Ecole militaire en voiture / Ecole militaire - Aéroport du Bourget en hélicoptère / Le Bourget - Aéroport de Lille en avion / Aéroport de Lille - Préfecture en voiture.
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