En France, comme vous le savez
tous (même si parfois, j’ai envie de me crever les yeux quand je lis vos
statuts facebook), on accorde les adjectifs au masculin, dès lors qu’il y a un
sujet masculin et quel que soit le nombre de sujets féminins. Par exemple, pour
un groupe où il y aurait 5 femmes et 1 homme, on dirait « Ils sont
beaux », et jamais, au grand jamais, « Elles sont belles ».
Parce que bon, faut pas déconner, dire « ils » quand il y a des femmes
ça va, mais dire « elles » quand il y a des hommes, c’est un peu
castrateur… La plupart d’entre vous ne se sont peut-être jamais demandé
pourquoi, d’autres se seront dit que c’est comme ça, c’est tout, au même titre
qu’on met (en général) un ‘s’ au pluriel, un ‘e’ au féminin, etc.
Quelques-uns
et quelques-unes se sont peut-être demandé s’il y avait là un sexisme
sous-jacent, avant d’être violemment vilipendé parce que bon, les féministes,
c’est bon quoi, vous avez pas autre chose à foutre que de nous faire chier à
propos d’une grammaire qui existe depuis des siècles.
Et c’est là que l’on se
trompe ! Cette grammaire, cette règle d’accord, n’existe pas depuis si
longtemps que ça. Depuis le 18e siècle en fait.
En 1651, Scipion Dupleix,
historien français, lance le mouvement et écrit dans son ouvrage Liberté de la langue française dans sa
pureté :
« Parce que le genre
masculin est le plus noble, il prévaut tout seul contre deux ou plusieurs
féminins. »
En 1675, l’abbé Bouhours, aussi
grammairien, historien et écrivain, en remet une couche :
« Lorsque les deux genres se
rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte. »
Ne vous méprenez pas, il parle
bel et bien du masculin ici. Mais c’est le grammairien Beauzée qui, en 1767,
exprime le mieux le principe de cette nouvelle règle :
« Le genre masculin est
réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la
femelle. »
Et on pourrait en citer d’autres.
Mais alors, ils faisaient comment avant ? Eh bien avant, on accordait
l’adjectif (et le verbe), en genre mais aussi en nombre, avec le plus proche
des noms, d’où le terme de règle de proximité. Ainsi, Agrippa d’Aubigné,
écrivain et poète du 16e siècle, parle de « bras et mains innocentes », tandis que Racine, au 17e
siècle, écrit :
« Surtout j’ai cru devoir
aux larmes, aux prières, consacrer ces trois jours et ces trois nuits
entières »
Ou encore :
« Armez-vous d’un courage et
d’une foi nouvelle »
On retrouve donc cette règle en
français classique, en ancien français, une partie du moyen français, mais
aussi en latin (toujours langue officielle au Vatican) et en grec ancien.
Sachant que le latin classique se
diffuse à partir du 3e siècle avant Jésus Christ (Jules César, au
cours du 1er siècle avant Jésus Christ, utilise systématiquement la
règle de proximité), et que le français n’est qu’un prolongement du latin, on
peut donc dire que nous avons utilisé cette règle pendant au moins 20 siècles.
Et si nous ne prenons comme point de départ que l’ancien français, soit le 9e
siècle, cela fait encore 7 siècles à utiliser la règle de proximité. Alors que
cela fait moins de 4 siècles finalement, que l’on fait prévaloir le masculin
sur le féminin. Ma question est donc la suivante : pourquoi ne pas revenir à cette règle de proximité ?
Plusieurs intellectuel-lle-s le
demandent, ou demandent en tout cas qu’on étudie la question. Après tout, il ne
s’agirait que d’abroger une règle qui se pose clairement comme sexiste, qui se
définit comme tel, qui n’est justifié que par ça et qui est parfois à l'origine de sonorités étranges, voire disgracieuses, au point de faire saigner les oreilles (essayez les alexandrins de Racine avec la règle actuelle pour voir). Bien sûr cela prendrait du
temps à mettre en place, tout comme la réforme de l’orthographe en 1990, et on
entend déjà les Immortels de l’Académie française s’indigner, eux qui
avaient appelé le président de la République à l’aide (rien que ça) dans
« une affaire qui, dans les hauteurs de l’Etat, porte atteinte à la langue
française », quand Martine Aubry et Elisabeth Guigou se faisaient appeler
« Madame la ministre ». La blague. Mais puisqu’ils l’ont fait au 18e
siècle, on peut bien le faire au 21e siècle, non ?
Donc ne vous étonnez pas de voir
la règle de proximité utilisée sur ce blog (même si parfois, par manque de
vigilance et les habitudes ayant la vie dure, le masculin prévaut encore sur le
féminin…).
Mais le "masculin" est-il réellement ce que l'on croit? En regardant les accords, ne serait-ce pas plutôt bêtement un neutre? Y-t-il réellement un masculin dans la langue française? Je n'ai jamais vu un moment où je devais modifier un mot pour le rendre "masculin". Et même à l'usage : "Un manifestant" désigne quelqu'un qui manifeste, sans distinction. Il s'agit donc bien d'un neutre. Tous sexes, religions ou couleurs de peau confondus.
RépondreSupprimerDe fait, l'existence même de l'accord au féminin ne serait-il pas du sexisme? Distinguant "ce qui est femme" de "ce qui est normal"? "Une manifestante" désigne expressément une femme qui manifeste.
En anglais, en dehors des déterminants (qui se réfèrent au possédant et pas au sujet), il N'y a PAS de genre. Et même pour les déterminants, il y a le un VRAI masculin, un VRAI neutre, et un féminin. Quand vous dites "his feet", vous parlez indéniablement d'un garçon, et "its feet", d'un objet (neutre), et her feet, d'une fille. Du coups, en présence d'un vrai masculin (et pas un neutre), le féminin n'est pas sexiste. Et ceci n'existe que pour les déterminants. Tous les autres mots n'ayant pas de genre (ou sont neutres, c'est comme vous voulez).
Sauf peut-être les fanatique qui traitent leurs passions comme leur femme et l'appelle (bateau, avion, comme vous voulez) "elle" =>"she". She's not a boat! She's a ship! (Trêve d'humour.)
Mais en français, ce n'est pas le cas. Il y a juste le neutre / et il y a le féminin. Il y a le monde, et il y a la femme. Ce qui fait que pour moi le féminin, dans le français, est très sexiste car exclusif.
C'est bien de vouloir remonter au latin, mais au travers de l'histoire, la femme n'a pas vraiment eu bénéficié des meilleures considérations. Ce n'est pas forcément en remontant dans le temps qu'on trouvera la solution à ce problème. À une certaine époque, l'église s'est déjà posé la question de savoir si les femmes avaient une âme! (ils l'ont refais après pour les noirs et les indiens) Ce n'est pas en allant chercher des règles grammaticales à une époque où la première chose qui déterminait nos chances dans la vie n'était pas la classe social mais notre sexe, qu'on trouvera une réponse à nos problème d'équité homme | femme.
Notre langue s'étant construite à travers l'histoire, et l'histoire ayant été principalement sexiste, peut-être faudrait-il revoir certains fondement de notre langue latine. Peut-être faudrait-il carrément supprimer les accords de genre?
ex: "Cette fille est un grand rêveur" voire carrément "Ce fille est un grand rêveur"
Plus (=>0) d'accord de genre, plus de sexisme. Tout au neutre. Car après tout, pourquoi faire des accords "neutre | femme"? N'est-ce pas aussi discriminatoire que le serait une orthographe spécifique pour les blanc et les noir? (ou plutôt une orthographe générale et une orthographe quand on parle de noirs spécifiquement) Le genre est-il encore aussi déterminant aujourd'hui qu'il ne l'a été à travers l'histoire? Le genre à lui-seul justifie-t-il encore expressément un changement d'orthographe? Le fait d'être "un humain ou une femme" représente-t-il encore une différence dans ce que nous sommes capable de faire, vivre, penser ou dire au point de souligner cette différence à plusieurs reprises dans une phrase? Est-ce que c'est le message que nous voulons encore transmettre en gardant cette orthographe?
Je préfère utiliser la recommandation de l'office québecois de la langue française qui recommande de placer les sujets masculins en dernier, comme cela, nul besoin de changer une règle d'accord.
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